lundi 13 mai 2013

Salim Yezza : « Mayu Aberkan était le premier pas dans la longue marche vers la dignité et la liberté »


Salim Yezza le principal animateur de la protestation de Mayu Aberkan est le  symbole de la jeunesse chaouie  qui ose affronter l’injustice  et la tyrannie, lors  des évènements du 13 mai 2004 à T’kout  il va faire  l’objet de l’acharnement  d’un Etat  voyou  qui n’aura aucun  scrupule à recourir aux méthodes les plus ignobles  pour le réduire au silence , on le traque , le condamne par contumace à des lourdes peines lors de  parodies de procès , le menace à s’en prendre à sa famille s’il ne rendrait  pas , on mettra  ces menaces à exécution , en faisant  intrusion chez lui en dehors de tout cadre légal embarquant  son père et son frère , un lycéen , les service de sécurité  les accuseront tous les deux de trouble à l’ordre public et destruction de bien  , alors qu’ils n’ont jamais pris part à l’émeute.

Salim Yezza va se réfugier  pendant  les premiers jours de la répression dans les maquis environnants, perpétuant  ainsi la tradition des bandits d’honneur des Aurès, et l’un des  plus célèbre parmi eux   Messaoudh Ugzelmad  , ce justicier au grand cœur dont la bravoure et la droiture est encore chanté  par la mémoire populaire , Salim Yezza sera contraint à vivre en clandestinité  pendant  un an , mais prenant une part active dans la direction au sein du « mouvement citoyen des Aurès »  qui organisera la réplique contre l’acharnement des éléments de sécurités et de la justice algérienne contre la population de Tkout .

Né le 28 janvier 1974 à T’kout, sa mère,  une femme de caractère lui transmis  son amour de la liberté et son intrépidité, très jeune il développe un grand intérêt pour  l’histoire berbère et surtout au tifinagh ; qu’il lisait et écrivait déjà à l’âge de 11 ans grâce à son cousin Balkacem qui était enseignant de tifinagh à Bejaïa.

Hocine Mohamedi , un militant berbériste de Tkout découvre la conscience précoce du jeune Salim , il le prends sous son aile ainsi que d’autre enfants tkoutis  , il leur fait écouter la musique contestatrice  du groupe Debza interdit à l’époque et leur donnera des cours d’anglais , en réalité ces militants en herbe vont apprendre plus sur l’engagement politique et identitaire que sur la langue de Shakespeare  .

En 1989 Hocine Mohamedi  avec d’autres militants vont créer l’association amazigh de T’kout , dans laquelle Salim va être un membre très actif malgré son jeune âge , il apprendra beaucoup au sein de cette association qui éditera notamment la revue «Tamusni » .

Lycéen, Salim Yezza se fait connaitre par idées berbériste, participera  à toutes les contestations à T’kout et à Arris,  ensuite à la faveur de l’éphémère ouverture démocratique en Algérie consécutive aux évènements d’octobre 88  , Salim se jette dans l’action syndicale , il présidera le syndicat des commerçants de T’kout  , à  Ouargla et un peu partout où il voyage .

L’assassinat de Massinissa Guermah et le déclanchement du printemps noir en Kabylie était un tournant décisif dans l’engagement de Salim Yezza , la répression féroce de la population en Kabylie a eu un échos dans l’Aurès et particulièrement à T’kout , Salim nous dit «  ce fut des actions spontanée qui exprimait une colère contenue, les jeunes commençaient à écrire des tags avec des slogans hostiles au pouvoir, aux gendarmes …ect  , de là nous avions ressenti  la nécessité de nous organiser  , l’idée du mouvement citoyen des Aurès s’est imposer d’elle-même » , Salim et ces amis vont participer à la marche du MCB le 10 mai 2001 à Alger,  organiseront  une marche silencieuse  le 25 mai 2001 à T’kout  à l'occasion de l'hommage  du militants Tahar Achoura pour dénoncer la répression qui sévit en kabylie  , le groupe d’amis ne vont pas s’arrêter là , ils collaboreront avec d’autres militants des autres région des Aurès , des réunions auront lieu à T’Kout et Oum Bouagui  le 31 mais 2001 en vue d’organiser une grande marche , elle aura lieu à Batna le 7 juin 2001 et sera au nom du MCA .
Quelles jour après  Salim et ces amis vont créer  le mouvement citoyen  des Aurès ( Amussu  Agherman n wawras ) sur la base d’une plate-forme de revendications identitaires, sociales et économiques. 

Le 21  juillet 2001, Salim Yezza est contacté par un père de famille d’Arris, sa femme vient d’accoucher et les services de l’état civile d’Arris refusent d’inscrire le nom du nouveau né « Ghiles » , un sit-in est organisé devant la mairie d’Arris , devant l’importante mobilisation le pouvoir local abdique ,  « Ghiles » est enfin inscrit dans le registres des nouveau-né , la caravane des militants retourne à T’kout pour organiser une journée de protestation pour en finir avec la discrimination envers les prénoms berbères  et dénoncer  la bureaucratie  des pouvoirs locaux .

Infatigable militant , Salim va encore faire parler de lui , le 1 octobre à la veille de la visite du président de la république à Arris , Salim est arrêté alors qu’il distribuer des tracts contenants une caricature tournant en dérision une déclaration de Bouteflika  où il a qualifié les chaouis de «  goinfreurs de makroute » , Salim passera 5 heurs en détention  de 16 h à  21 h et serait libéré suite a la mobilisation citoyenne a Tkukt .

Viennent ensuite les évènements de « Mayu Aberkan » dont il était le principal animateur ce qui  fera  de lui l’ennemi public numéro un des services de sécurité, il revient avec nous dans cet entretien sur ces tragiques évènements.


- Combien a duré votre clandestinité ? Vous  étiez où ?

Salim Yezza : ma clandestinité à duré  un an, les premiers temps j’étais  a T’kout  jusqu’au jour ou le mouvement citoyen de Tkout qui c’est réuni a Alger décide de me faire sortir. En réalité à  Tkout je ne me sentais pas en clandestinité ; j’étais dans mon environnement naturel du combat, j’étais bien protégé par les citoyennes et les citoyens. Apres 15 jours du déclenchement des événements le mouvement a organisé ma sorti de Tkout.


-
Comment tu l’as vécu ?


Salim Yezza : à Tkout  j’étais sur le champ de bataille, ça veut dire que j’étais  au courant de tout et je gérais  la situation avec les militants et les délégués qui étaient  sur place ou à l’extérieur de la ville ,  dans le feu de l’action j’avais  un sentiment d’être un guerrier,  le jour où je suis sorti de Tkout ce fut très dur pour moi pourtant j’étais hors du danger . La clandestinité est  une rébellion contre l’arbitraire, un refus de se soumettre à l’injustice, je la considère comme  une forme de lutte .


-Quelle était  l’issue de votre procès dans l’affaire de Mayu aberkan et celle des caricatures de Bouteflika ?


Salim Yezza
: pour les évènements de Mayu Aberkan j’étais condamné  a deux ans de prison ferme plus mandat d’arrêt, pour le caricature de Boutef un an de prison ferme et mandat d’arrêt, j’ai un autre procès concernant les graffitis en Tifinegh. Sans compter de nombreux autres procès entre 2001 et 2004, tous sanctionnés  par des condamnations très sévères. Quoique je considère que ces procès comme  une parodie qui prouve  l’inexistence d’une justice indépendante  en Algérie  je considère  tous ces ennuis judicaires comme un tribut  que j’ai payé  pour la démocratie et l’Etat de droit.

-9 ans après de ces tragiques évènements que reste-t-i de Mayu Aberkan  pour Salim Yezza ?

Salim Yezza : tout ce construit aujourd’hui sur Mayu Aberkan puisque sa plate forme et ses revendications ses slogans sont toujours d’actualité. Mayu Aberkan a renforcé notre détermination et nous a aidé à voir plus clair notre propre réalité et la nature dictatoriale et   violentes d’un régime médiocre arabo-islamiste adepte du tout sécuritaire. Mayu Aberkan était  le début d’un long processus   ce n’était qu’une étape de notre combat  qui n’est pas encore terminé, c’était le premier pas dans la langue marche vers la dignité et la liberté.


-Une tragique nouvelle vient de tomber ce week-end, Salah Lounissi a été importé par la silicose, un mot ?


Salim Yezza
: paix a son âme est a toutes les âmes qui ont lutté et souffert comme lui, sa mémoire restera parmi nous malgré son départ, Il a emporté avec lui une part de nous même et de notre histoire, faisons d’abord le deuil les jours viendront ou la justice leur sera rendue.


- T’kout vit aujourd’hui dans la pauvreté, les projets  de développement  dont la région a grand besoin demeure inexistants  , pas de débouchée pour  la jeunesse , la silicose frappe encore dans l’indifférence totale , vous pensez que le pouvoir central a la volonté de punir T’kout pour s’être révolté ?


 
Salim Yezza
: Non, je ne pense pas,  le mérite de ‘’Mayu aberkan’’ est qu’il a fait connaitre la  situation dans laquelle vit la population de T’kout  qui n’est pas très déférentes des autres régions du  pays , le seul mérite des T’koutis  c’est qu’ils se sont soulevés contre le mépris et l’injustice, ils ont montré qu’ils étaient des hommes  libres .


- Quel regard portez-vous  sur le mouvement de revendication identitaire dans les Aurès aujourd’hui ?


Salim Yezza
: Comme tout mouvement  social politique ou identitaire il a ses phases latente et ses phases manifestes. Il est plus fort que par le passé  mais toujours à la recherche d’un cadre structuré  et une coordination plus efficace.



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