vendredi 27 avril 2012

Amirouche Ighounem , la guitare en guise d’arme


Amirouche Ighounem
Né le 4 février 1965 à Timsounin (M’chounèche,  Aurès  méridional, Timsunin en chaoui est le pluriel de Tamsunt ‘’ paradis’’ )  dans une famille modeste  mais affectueuse et ayant un goût prononcé pour la musique et le chant , en effet ,  petit , Amirouche  fut élevé dans un entourage où la musique rythmait la vie quotidienne du ménage  comme il était le cas depuis toujours dans la société auressienne  ,  sa mère chantonnait  des veilles complaintes chaouies   avec le rythme monotone et régulier du métier à tisser    , ou encore une romance de quelques bandits d’honneurs chaouis , ces héros de la mémoire collective , son père ne fut pas en reste ,  chanteur et danseur dans les groupes  traditionnels d’Irahaben  , il écrivait des poèmes à ces heures perdues , le petit Amirouche  chantera un poème de son père lors d’une fête de mariage d’un proche . Ces parents vont lui transmettre cette sensibilité artistique  qui va être déterminante  ensuite dans son choix d’embrasser  une carrière musicale.
A peine 10 ans Amirouche reçoit un cadeau d’un ami, une cassette de la chanteuse Dihya , il s’empresse de chercher un lecteur de cassette qu’il réussit à dénicher avec peine , il découvre pour la première fois  la voix enivrante de Dihya ,cette découverte  renforce encore   plus ces penchants pour la musique et le chant et laisse chez lui une empreinte indélébile.
A l’âge de 15 ans,  son père l’envoie à Biskra pour suivre des études en paramédical, le jeune homme avait un autre plan pour son avenir, au grand désespoir de son père Amirouche laisse tomber ces études  et suit sa passion , avec des jeunes de son village Mohamed Salah Gémaoui , et Gaga Gémaoui notamment , il vont monter un petit groupe et jouerons de la musique   , remarqué par un animateur culturel Mohamed Zaârouri  ce dernier va les encourager et leur permettre de se produire dans les rares évènements culturels qui se tenaient alors à Timsounin , petit à petit Amirouche et ces amis en explorant  le patrimoine musical chaoui vont trouver leur propre  style qui va se révéler comme un  véritable souffle de modernité  pour la chanson chaouie , le groupe prendra le nom d’’’ Ighounem’’( les roseaux )  et sortira son premier album en 1990 avec des paroles d'Elhadi Bouras et Mohamed Chaâben  .
Ensuite , seul Amirouche va aller à Batna et préparer son deuxième album , la photo de la pochette est réalisée par le peintre Cherif Merzougui , ce dernier est décédé peu de temps après , très affecté par cette subite perte ,   Amirouche va lui dédier une chanson  ‘’Cherif merzougui’’  qui sera le titre de l’ album qui sortira en 1992  grâce à l’ aide de l’édition ‘’Aurès Music’’ , désormais la voix de Amirouche est connue dans les quatre coins des Aurès , il acquiert  une notoriété incontestable auprès des jeunes chaouis dont il est devenu le porte-parole , ce succès et le caractère revendicatif de ces chansons vont  lui valoir  les foudres du pouvoir  qui supporte mal qu’un jeune chaoui puisse dénoncer ouvertement  tous les maux qui rangent la société et revendiquer haut et fort son identité berbère .Cependant le vent lugubre de la  décennie noir ne tarde pas  à souffler sur l’Algérie la plongeant dans un chaos sanglant , les temps sont difficiles pour Amirouche comme pour la plupart des artistes algériens , il continuera la lutte pourtant  « D’un côté il y avait le pouvoir qui nous harcelait tout le temps pour nous réduire au silence et de l’autre la violence aveugle des hordes terroristes , au milieu des crépitements de balles  et des explosions  je n’avait que ma guitare pour me défendre » dira-t-il quelques années après .
En 1996  il fait la rencontre d’un petit flutiste Lazhar Maâchi dit Zozo avec qu' il se liera d’amitié et sortira son troisième album ‘’ussen’’ à Biskra qui le consacrera  comme le chef de file des chanteurs chaouis engagés. Ces chansons sont considérées  aujourd’hui comme des classiques incontournables de la chanson chaouie contemporaine, ‘’Inassen  adhahwen’’    ,  ‘’ tarwa n-idurer’’ hommage aux jeunes chaouis  dont les rêves naissants se brisaient contre l’écueil de la pauvreté , l’arbitraire et  l’injustice  sociale, les écoliers qui ont sortis dans les rues un certains printemps de l’année 80 ou encore ceux qui ont été fauchés par les balles le 5 octobre 1989  ''Imeɣben'' ,  ‘’Innagurra’’ dénonciation des archaïsmes qui rangent le flanc de la société chaouie , taɛrochit (tribalisme) , perte d’idéal  , conformisme , immobilisme , autant de tares que les chaouis trainent comme des boulets ,    ‘’Tarwa n’ilfen ‘’ pamphlet  implacable contre la mafia  corrompue qui gouverne l’Algérie  , Amirouche chantera aussi la bravoure des héros chaouis , Ug Zelmad , Ben Boulaïd , Si El Haoues , et Abass Laghrour . 
 De Paris où il s’est exilé depuis des années, Amirouche Ighounem  prépare sont nouveau  album qui va sortir bientôt avec des paroles signés Mohamed Janbia .

mercredi 11 avril 2012

Mihoub , La voix de l’Aurès

Mihoub  Abdessalem
« Mihoub  Abdessalem » de son vrai nom est le chanteur chaoui qui a incarné le plus l’âge d’or de la chanson chaouie  engagée, il est le symbole de toute une génération de jeunes militants de la cause amazigh dans les Aurès, né le 19/10/1960 à Timsunin ( M’chounèche , la belle oasis du sud de l’Aurès  qui dépends administrativement de la wilaya de Biskra dont elle est distante de 30 km )  Mihoub est considéré (avec  Amirouche)  comme le  précurseur de la chanson revendicative chaouie .
 Ce petit  bonhomme , vif, connu par sa mandole et sa  discrétion légendaire se remémore ses  débuts dans la  musique à la fin des années 70  «  on était un groupe de jeunes  copains pour qui la musique constitue le seul refuge pour échapper à la dureté du  quotidien   , dans  la fraicheur  des palmeraies de Timsunin au milieu du ruissèlement  monotone d‘Ighzar Amellel ,  on jouait souvent  de la guitare… » , « … quelques années après on a voulu enregistrer notre premier   album mais avec notre music protestataire  et frondeuse  la quête d’un éditeur  s’est révélé un vrai parcours de combattant »  se souvient Mihoub , leur première chanson va être enregistrée en  1989 ( Sililumt a lxalèth ) et un album en collaboration avec Elhadi Boures  qui écrira  les paroles ,  dont les évènements sanglants d’octobre 88  vont être le sujet principal , il sera suivi d’un deuxième  ‘’ Akkerd falek  a yarguèz ‘’ en 1992 qui va être la révélation de la chanson chaouie , le public va découvrir une nouvelle façon de chanter en chaoui , loin des vieux poncifs de la chanson festive et folklorique , la musique de Mihoub va s’inscrire dans l’idéal du printemps berbère , et reprendre ces revendications , l’officialisation de Tamazight , la reconnaissance de l’histoire berbère et son rôle primordial dans l’identité et la personnalité algérienne  ,réhabilitation de  la mémoire des  héros amazighs ; Dihya , Massinissa , Jughurta ….etc. La chanson ‘’Akkerd falek  a Yerguèz’’ ( qui a donné  le titre de l’album ) est une exhortation aux jeunes chaouis de  se réapproprier leur histoire et leur identité , ‘’ Deg nebdhu’’ ( en été ) cette chanson  est une chronique de l’été particulièrement chaud de 1992 et son lot de désordre après l’arrêt du processus électoral , ‘’Ilabazen’’ une critique au vitriol de l’intégrisme islamiste et son projet  obscurantiste qui constitue une menace pour l’Algérie , cette prophétie va malheureusement  s’avérer juste quelques années plus tard  , cette chanson et l’engagement résolu  de l’artiste en faveur d’une société démocratique et son rejet de la diktat intégriste va lui valoir l’ire des hordes du GIA qui dans leur funeste  entreprise d’élimination des intellectuelles et les artistes algériens vont  inscrire Mihoub dans leur liste noir , lequel loin d’être intimider par les menaces de mort  qu’il reçois régulièrement  , sortira  son troisième album ‘’ Tidhet’’ en 1995 avec le concoure du poète Yahia Aïdi qui va devenir  son compagnon de route et qui va écrire les paroles du quatrième album sorti en 2002 , et le cinquième en 2008 ‘’Amlayam’’ .
 Dans cette  carrière riche de plus de 25 ans, consacrée  à la défense de la culture chaouie ,  Mihoub  a eu à surmonter  moult  obstacles «  pendant la décennie noir , en plus du danger terroriste omniprésent , nous avion dû faire contre l’acharnement du pouvoir à combattre toute forme d’expression de l’identité chaouie , ainsi lors des  galas  certains commis de l’Etat dans un excès de zèle se transforment en de véritables  inquisiteurs  pour nous demander de ne pas chanter telle ou telle chanson , ce qui nous empêchait pas de la chanter une fois sur scène » dit-il avec un sourire  malicieux , et d’enchainer  «  Aujourd’hui  la chanson chaouie engagée est malheureusement délaissée au profit de la chanson festive et folklorique  plus facile à faire et à commercialiser , en l’absence de prise de conscience salvatrice cette musique qui était le fer de lance de notre combat va disparaitre à jamais » conclu-t-il avec amertume .
 Aujourd’hui Mihoub est professeur de musique à Timsunin , il n’hésite pas à encourager  les jeunes  artistes en herbes et leur prodiguer  des conseils  pour l’émergence  d’une relève capable de reprendre le flambeau de la lutte .

vendredi 6 avril 2012

La 10 ème édition du Festival de la poésie amazighe


Fiche artistique de l'évènement 

La 10ème édition du Festival de poésie d’expression Amazighe à Ait Smaïl (Bgayet) organisée par l’Association Culturelle Adrar n Fad (ACAF) s’est tenu cette année du 22-25 mars , cette édition était parrainée par le groupe du rock kabyle les « Abranis » et a connu la participation de pas moins de 145 poètes, venant de 12 wilayas du territoire national , Targui , Chalhi , Chanoui , Ouargli , Chaoui et kabyle se sont donnés rendez-vous dans la maison de jeune du petit village d’Aït-Smaïl qui s’est transformé pour l’occasion en une ruche d’abeille  bourdonnant d’émotion  et de poésie , les poètes et les poétesses se sont succéder  à la tribune  pour déclamer leur poèmes devant un public subjugué et sous le regard attentif du membre du jury composé d’éminents spécialistes de la poésie et  littérature berbère .
Younes aghougali déclamant son poème
En marge du concours de la poésie, plusieurs activités artistiques et culturelles ont été organisées , des expositions diverses, des pièces de théâtre, des ateliers de formation,  un ateliers d’écriture de tifinegh , une conférence  animée par M. Abd Elmouttalib Elazizi un enseignant de Tamazight à l’université de Fès et ayant pour thème « La poésie amazighe au Maroc » .
Kamel Tihmamine
Côté chaoui , seulement deux poètes ont marqué leur présence dans  ce festival ;  Kamel Tihmamine ,et Younes aghougali qui ont néanmoins   laissé une bonne impression .
L’édition de cette année qui était à l’instar des précédentes, une réussite de l’avis des participants et du public  s’est clôturée le 25 mars avec la remise des prix aux auteurs des meilleures œuvres poétiques après évaluation du  jury , le festival est terminé  en beauté avec une  soirée musicale animée par  les ‘’Abranis’’ .