lundi 18 août 2014

La légende de Bourek : L’ancêtre des chaouis

                 
Germaine Tillion lors de sa mission ethnographique dans l'Aurès
1935-1939
Cette légende est attestée depuis 1890, Bourek ,  Bourch , ou encore Mayou ,  a été évoqué pour la première fois par les officiers géomètres français qui fixèrent les limites des douars de l’Algérie et qui sont entré dans le massif auressien à cette époque . Ces géomètres français sont les vrais auteurs de la « Monographie de l'Aurès ». Mais la parenté du livre fut attribuée à leur chef  Raoul-Julien-François de Lartigue comme il était d’usage à cette époque.
Germaine Tillion au cours de sa mission a recueillie plusieurs version de ce mythe  dans le nord du massif auressien : «  Il y avait à Ilfen (ou  Guelfen suivant les dialectes)  un douar installé au-dessous d’un rocher. Là , vivait un homme âgé. Il avait deux filles et l’une d’elles se nommait Aïcha Tabahloult (La Folle). D’autres disent qu’elle se nommait Aïcha El Bahloula . Vingt un maghrébin écrivain. Elle lui dit ‘’Ecris à mon amant’’. Il lui répondit  ‘’ Apporte un œuf’’. Elle l’apporta. Il écrivit sur l’œuf et dit '' De semaine en semaine, surveille-le’’. Elle s’en retourna chez elle  et surveilla l’œuf .L’œuf s’ouvrit. Il en sorti un serpent ; elle le porta dans une fente de rocher. Ensuite elle attendit. Elle  en fut bien punie. Un jour qu’elle passa près du rocher elle y trouva un grand serpent, un dragon, qui sortait de la fente où elle l’avait déposée quand il était petit. Elle prit peur et s’enfuit. Le serpent la suit et, la nuit , il fait le tour du douar , les chiens aboient , la femme se lève et fait lever son mari . Il lui dit ‘’Qu’y a-t-il ?’’ Elle répondit ‘’Un grand serpent vient dans notre douar pour tout dévorer ‘’ . L’homme se lève, il selle sa jument ; la femme lui dit ‘’J’irai avec toi, moi et les enfants.’’ Il monte sur sa jument  et se rend à Ilfen. Là était Bourch vieillard aveugle. Ils crient, les serviteurs de Bourch accourent: ''Qu’y a-t-il ?’’ ‘’ Un dragon dévore notre douar ‘’. On va au dragon ; on le trouve en effet qui dévorait le douar. On le chasse au sommet du Kef. On jette sur lui de grandes pierres et des arbres, jusqu’à ce qu’on le couvre. On allume du feu ; la flamme s’élève jusqu’au ciel. Le serpent se fond et une graisse épaisse coule du bûcher. C’était un jour d’été.  Les abeilles viennent butiner cette graisse et en font du miel. Lorsque le moment est venu de couper les ruches, on récolte beaucoup de miel. On l’entasse dans de paniers ; mais les gens n’en mangent pas. Ils craignent de mourir. Puis ils prennent la résolution d’en faire manger Bourch disant ‘’Donnons-le à Bourch qui est vieux et aveugle, s’il meurt peu importe.’’ Ils lui en donnent un peu.Il le mange, il se frotte les yeux ; il voit. Il dit ‘’Ajoutez un peu’’ .Ils lui en donnent un grand morceau, il mange, il se frotte les yeux, il est guéri. Aïcha Tabahloult lui dit ‘’Ils ont voulu te faire mourir.’’Il lui répondit : ‘’Fais lever mes fils, qu’ils viennent.’’ Les fils arrivent. Le père leur dit :’’Je ne demande pas la Diya (prix du sang), donnez-moi Aïcha.’’ Ils lui disent :’’Volontiers’’. Ils la lui donnèrent et elle enfanta de nombreux enfants dont la descendance constitua les tribus qui peuplent aujourd’hui l’Aurès’’.
Chaque grand village du nord de l’Aurès avait ses propres versions de la même histoire.
A Tagoust , le vieux bourch se voyait attribuer trois femmes , Touba (mère des Touaba , Aïth Daoudh) , Aba ( mère des Aïth Abdhi ) , Aïcha Tabahloult (mère des gens de Nara et de Menaâ) .


dimanche 17 août 2014

L’histoire de l’ogresse et l’étoile menteuse

Ithri -n -souh -Amor  u -Ali (Altaïr)
Dans son livre « Il était une fois l’ethnographie » : Germaine Tillion rapporte une légende chaouie à propos de l’étoile Altaïr.
Dans la région de Nara, Menaâ , et Bouhmar ( Ighzar n Thaqqa) on l’appelle ‘’ Ithri -n -souh -Amor  u -Ali ‘’ ( l’étoile des femmes de la famille de Amor  u- Ali ) . Dans les autres régions de l’Aurès on l’appelle « L’étoile du voyageur », «  parce qu’elle marche à une corde ‘’asghoune , soit 55 cm‘ ’avant l’étoile du matin » . L’étoile du matin est Vénus.
D’après la légende, le voyageur qui confonds les deux étoiles et prends trop tôt la piste risque des dangereuses rencontres comme les femmes de la famille de Amor u-Ali.
Sans apporter de  modifications, Germaine Tllion recueil l’histoire de la bouche d’un chaoui : « Tard dans la nuit  (heure où les ogresses écoutent) une femme de cette famille ‘’Amor ou-Ali’’ dit à une autre ‘’Demain nous irons chercher le bois dans la montagne’’.
« L’ogresse les entend, et le lendemain, c’est elle qui frappe .Elle dit ‘’ vient il va faire jour’’, et elle montre l’étoile menteuse. La femme se lève et sort avec son chien noir. En route le chien reconnait l’ogresse et veut la mordre, mais sa maîtresse le chasse.
«  Le chien ne veut pas partir. Il pleure. Sa maîtresse le bat et il part. Alors l’ogresse dit’’ : « Maintenant je te mange. La femme dit : «  Ma sœur, pourquoi tu me fais peur ? »  La Tamza l’attrape. La femme crie, elle rappelle son chien.
« Le brave chien noir revient et c’est lui qui mange l’ogresse à un endroit appelé le col de Douda , derrière le djebel Lazreg » .
Dans d’autre version, l’ogresse venait aider à moudre l’orge  sous les apparences affables d’une voisine. Mais le tas de farine au lieu d’augmenter, diminuait ostensiblement. A ce signe, la femme reconnait Tamza et chante quatre vers pour alerter son fils :
A Abderahman , a memmi  ( Ô Abderahman , Ô mon fils
Saker, saker , Aïdhi     ( Réveille , réveille le chien )
Fous-nnes i’dad(1)  ghri  (sa main et sur moi)
Imi-nnes ifuh  Ghri   (sa bouche pue sur moi)
Le fils verse sur la tête de l’ogresse du pétrole enflammé et réveille le chien. Couverte de flamme et poursuivie par le chien, Tamza coure vers son gourbi  ‘’ où elle vit avec d’autre ogresses’’, ‘’et ainsi elles brûlent toutes, et le pays en est débarrassé’’ ».  


(1)    Les vers contenaient beaucoup de fautes, j’ai rectifié comme j’ai pu, ‘’i’dad’’( je l’ai pas compris , donc je l’ai laissé à l’identique) .